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Il était une fois un peuple d’un désert très lointain où il y avait une petite communauté d’une dizaine de femmes que l’on surnommait les sorcières. Leurs chants étaient magiques, et cela attisait la méfiance de certain se sentant menacés par leur pouvoir. Bien que ce peuple ait un chef, les réels Rois du désert étaient les Djinn. Ils se permettaient donc de temps en temps d’envoyer des tempêtes de sable, appelées hoobab sur les peuples du désert afin de leur rappeler à qui appartenait réellement ce territoire si vaste. Mais lorsqu’ils préparaient un énième Hoobab sur le village, ils entendirent que les sorcières préparaient un chant afin de les détruire. Ils décidèrent donc à la tombée de la nuit d’enlever ces dix femmes et de les enfermer dans un palais perdu au milieu du désert. Mais ce n’est pas tout ! Pour qu’elles ne puissent ni s’enfuir ni les atteindre avec leur magie, ils leurs jetèrent un sort pour leur enlever leur voix.
Le lendemain, le Hoobab dévasta le village. On s’aperçut alors de la disparition des sorcières. Les Djinn avaient aussi laissé un message dans lequel il demandait au village d’envoyer cinq hommes pour qu’ils deviennent les serviteurs du palais à jamais.
Nasheed était une jeune fille courageuse et orpheline. Elle adorait chanter et son rêve était d’approcher les sorcières pour en devenir une. Lorsqu’elle apprit leur disparition, une colère terrible s’empara d’elle. Elle voulait absolument les sauver et décida de se déguiser en homme afin de pouvoir partir à leur secours. Le chef rassembla tout le peuple afin de demander à la foule s’il y avait des vaillants villageois qui voulaient se sacrifier pour y aller. Nasheed sauta sur l’occasion et elle fut bien la seule. Cependant, le chef n’était pas dupe et reconnu sa nièce. Il tira quatre autres hommes au hasard. Tandis qu’ils se préparaient à partir, le chef s’approcha de Nasheed et lui glissa à l’oreille « Si je te laisse partir, c’est dans l’espoir que tu réussisses à sauver les sorcières et les hommes sacrifiés. J’espère te voir revenir accompagnée de tous. »
Les cinq sacrifiés partirent à dos de dromadaire pour un long voyage, avec seulement quelques dattes et un peu d’eau. Tandis que la nuit tombait, ils avançaient dans les dunes de sable éclairées par la lune. Ils avaient très froid et se couvraient du mieux qu’ils pouvaient de tissus. Un par un, ils se sentirent sombrer dans le sommeil. Seule Nasheed restait éveillée, en essayant de penser à des plans d’action. C’est elle qui repéra en premier le palais. Ses grandes coupoles scintillaient à la lueur de la lune, et les palmiers qui l’entouraient se balançaient doucement dans le vent. Plus ils approchaient, plus elle se rendait compte du silence pesant dans lequel le palais était plongé.
Tout à coup, un tourbillon de sable réveilla les quatre hommes, et les Djinn apparurent, flottant dans les airs. C’était la première fois que Nasheed en voyait et elle était ébahie devant ces créatures composées de chair bleue et de sable. Ils avaient le visage et le torse d’un homme, mais leurs hanches disparaissaient en un tourbillon de sable. Ils portaient tous un turban noir. L’un d’eux prit alors la parole :

  • Vous voilà enfin ! Sachez que dès que vous aurez passé les portes de ce palais, vous pourrez dire adieu à votre liberté puisque vous y servirez jusqu’à la fin de vos jours.

Un autre Djinn s’avança et prit à son tour la parole :

  • Vous serez les serviteurs de ce palais. Il y aura un jardinier, deux cuisiniers, un trésorier et un homme à tout faire. Alors…

Le Djinn fit mine de réfléchir puis il désigna l’un des quatre hommes, le plus robuste.

  • Toi, tu seras jardinier. Certains d’entre vous savent-ils cuisiner ?

L’un des hommes réplica timidement

  • Monsieur, les hommes ne cuisinent pas, c’est aux femmes de faire cela.

Nasheed réprima un sourire tandis que le Djinn, surpris, répondit :

  • Ah bon ? Et bien vous allez apprendre. Vous deux, vous serez cuisiniers.

Il se tourna ensuite vers le dernier homme sans rôle et lui dit :

  • Avec ta chaîne autour du cou, je vois que tu aimes ce qui brille, tu seras donc trésorier. Et bien sûr, tu mettras tout tes bijoux dans le coffre avec le reste de notre fortune.

Enfin vint le tour de Nasheed.

  • Toi, tu es tout petit et maigre, tu feras un bon homme à tout faire. Tu seras au plus près des femmes, ne t’avise pas de poser la main dessus, elles sont à nous. Tu te contenteras de faire l’entretien et de leur porter à manger.

Ils entrèrent dans le palais, furent dépouillés de tous leurs biens, et chacun se mit au travail. Nasheed fut chargée de porter les fruits à la cage dorée où étaient gardées les sorcières. La cage était entourée de plante et le sol était recouvert de tapis colorés. Les femmes étaient vêtues de soie mais un profond chagrin se lisait sur leur visage. Nasheed ouvrit la cage avec la clé qu’on lui avait confiée et déposa le plateau de fruits. Les sorcières restaient distantes, comme si elles avaient peur. Nasheed se présenta à voix basse :

  • Je m’appelle Nasheed, je suis la nièce du chef et je suis venue pour vous sauver.

Cependant, aucune femme n’ouvrit la bouche pour lui répondre. Pensant qu’elles ne la croyaient pas, elle enleva le tissu qui lui couvrait les cheveux afin de révéler sa longue chevelure brune et soyeuse. Une des sorcières s’avança alors vers elle. Elle ouvrit la bouche mais aucun son ne sortit. Elles firent cela une par une et Nasheed comprit qu’elles n’avaient plus de voix. Soudain, elle entendit des pas s’approcher et recouvrit ses cheveux pour garder son secret.
Nasheed ne trouva pas le sommeil cette nuit-là, se torturant l’esprit pour trouver un moyen de communiquer avec les sorcières. Le matin, son plan était prêt. Elle se rendit tout d’abord chez le trésorier pour lui demander un parchemin de papyrus. Celui-ci était curieux, mais elle ne pouvait pas lui dévoiler son plan, elle se contenta de lui promettre sa liberté et le retour de ses richesses volées par les Djinn. Le trésorier réfléchit puis lui répondit :

  • Je veux bien te donner ton papier, mais tâche de tenir ta promesse.

Nasheed repartit avec le papier caché dans ses vêtements. Elle se rendit ensuite dans le jardin, feignant d’aller chercher des fruits. Lorsqu’elle arriva près du jardinier, elle lui demanda s’il pouvait lui trouver de quoi écrire. Ce dernier réfléchit lorsqu’un grand oiseau passa au-dessus de leur tête et fit tomber une plume bleue et dorée aux pieds de Nasheed. Cette dernière la ramassa et s’exclama « C’est un signe, les dieux sont avec moi ». Elle remercia le jardinier qui avait été aimable avec elle – sûrement car il pensait que c’était un garçon – et s’en alla, toute contente. Elle se dirigea enfin vers la cuisine. Pour ne pas paraître suspecte, elle avait pensé à un mensonge.

  • Bonjour, cuisiniers ! Les Djinn m’ont demandé du vin !

Pendant qu’un cuisinier partait dans la cave, le second lui tendit des verres à pieds. Le cuisinier revint avec une grosse bouteille qu’il lui tendit. Nasheed sortit de la cuisine puis se dirigea vers la cage des sorcières. Lorsqu’elle arriva, elle vit le regard de certaines s’illuminer de malice. Bien qu’ils leur aient enlevé leurs voix, les Djinn ne pouvaient par leur retirer leur énergie. Elle entra dans la cage et leur confia tout bas :

  • J’ai trouvé de quoi écrire, afin que vous puissiez me faire part du chant que vous avez préparé pour faire disparaître les Djinn !

Elle ouvrit avec l’aide d’une des sorcières la bouteille de vin pour commencer à en verser un petit peu dans un verre pour s’en servir d’encrier. Cependant, la bouteille lui glissa des mains et s’éclata au sol. Immédiatement, les sorcières réagirent et réussirent à cacher les verres et tous les éclats de verre sous leurs robes, avant qu’un Djinn n’apparaisse, l’ai très énervé.

  • Que se passe-t-il ici ?

Nasheed regarda le sol tâché de vin rouge en essayant de trouver une excuse. Soudain, une idée lui vint en tête :

  • Je lui ai apporté de quoi se changer car elle avait ses menstruations, mais tout a coulé sur le sol ! Je m’apprêtais à nettoyer.

Nasheed savait bien que les Djinn, tout autant que les hommes, n’avaient aucune connaissance du fonctionnement du corps de la femme. Elle espérait donc qu’il pourrait gober se mensonge très peu crédible. Le Djinn prit un air écoeuré sur le visage.

  • Mais quel était ce gros bruit, demanda-t-il.
  • Aucune idée, il venait sûrement de la cuisine !

Le Djinn la toisa de haut en bas mais finit par disparaître. Toutes se mirent à nouveau à respirer, soulagées, puis Nasheed se mit à rire, accompagnée des sorcières.

  • Il y a cru, s’exclama-t-elle.

L’une des sorcières attrapa la plume et la trempa dans l’encrier. Elle commença alors à rédiger le sortilège sur le Papyrus que lui tendit Nasheed. Une autre sorcière vint rédiger les vers suivant, et elles se relayèrent jusqu’à finir l’écriture du chant.

  • Puis-je le réciter maintenant ?

Elles hochèrent la tête.

  • Dois-je le chanter haut et fort ?

Elles secouèrent la tête.

  • Tant mieux, j’avais peur de ne pas avoir le temps de finir si les Djinn m’entendaient.

Les sorcières se tinrent les mains en arc de cercle. Nasheed attrapa la main de chaque sorcière aux extrémités afin de fermer le cercle. Elle sentit une connexion et une énergie très forte se créer entre ses consœurs et elle. Alors, avec le parchemin sous les yeux, elle commença à chanter tout bas le sortilège. L’atmosphère magique s’intensifiait de plus en plus autour d’elles, Nasheed était en transe. Lorsqu’elle finit de chanter, il y eut un son d’explosion et un gros souffle balaya tout le palais et ses alentours.

  • Bravo, s’écrièrent les sorcières.
  • Vous avez retrouvé vos voix ?
  • Bien sûr ! Nous avons pris le temps de confectionner un chant qui ferait disparaître les Djinn tout en annulant le sort qu’ils nous avaient jeté !

Les sorcières remercièrent chaudement Nasheed. Lorsqu’elle leur proposa de rentrer avec elle, l’une d’elles lui répondit.

  • Chère Nasheed, ce palais est très beau et, en étant isolé de la gent masculine, il est très agréable à vivre. Maintenant que nous ne sommes plus prisonnières, nous nous ferions un plaisir de rester vivre ici !

Nasheed réfléchit un instant. Elle avait toujours rêvé de faire partie de leur communauté et, après le moment qu’elle venait de vivre, elle n’en doutait plus.

  • Je reste avec vous, décida-t-elle.

Elle partit trouver les quatre hommes du palais et leur raconta son aventure. D’abord sceptiques, ils furent convaincus lorsque l’une des sorcières appuya de vive voix les propos de Nasheed. Ils décidèrent de rentrer, et elle leur demanda de porter une lettre à son oncle. Dans cette lettre, elle rédigea son aventure ainsi que des remerciements pour lui avoir fait confiance.
Les hommes partirent juste après midi, afin d’être rentrés avant la nuit. Les habitants, qui avaient entendu la détonation depuis leur village, observaient attentivement l’horizon. Ils virent enfin des ombres se profiler au sommet d’une dune. L’oncle était rempli de joie et de fierté, jusqu’à ce qu’il se rende compte qu’il n’y avait pas quinze silhouettes, mais quatre. C’était des silhouettes d’hommes. D’hommes grands. Tandis qu’ils s’approchaient, il ne reconnut pas le visage de sa nièce. Dévasté, il ne put retenir sa tristesse et éclata en sanglots.

  • Elle a échoué, s’exclama-t-il. Et ils l’ont tuée.
  • De qui parles-tu, lui demanda son conseiller.

Il lui raconta alors qu’il avait laissé sa nièce partir pour le palais.

  • Comment as-tu pu croire en une jeune fille ? Pourquoi crois-tu que les femmes sont assignées au foyer ?

Le chef était inconsolable, jusqu’à ce que la lettre de Nasheed lui parvienne. Il la lut alors à voix haute afin que tout le peuple l’entende. Tout le monde s’embrassa en apprenant que les Djinn avaient disparu, et la tristesse du chef fut remplacée à nouveau par la joie et la fierté. Son conseiller n’avait plus rien à dire.
Une statue fut érigée à l’image de Nasheed, et son oncle ne manquait pas de lui rendre visite dans son palais !


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